Il y a toujours cet espèce de pacte tacite dans les trains. De ceux qui consistent a s'observer du coin de l'oeil lorsqu'un nouvel arrivant intègre le wagon, ou bien celui qui veut que l'on se taise. Je n'ai rien contre ce genre de procédés typiquement occidental, peut-être même seulement français?
J'apprécie les codes sociaux établis et perpétrés par les anciennes générations, entre fausse bien-séance et impolitesse furtive.
Autrement dit, dans le train, on est sûr d'avoir la paix. Un silence de mort règne dans les wagons a moitié remplis. Les voyageurs, souvent issus de petits villages, sont ballotés et bercés par le bruit régulier d'une machine qui les digère.
Seulement, lorsque le train se lance a une bonne vitesse, il devient intéressant d'ouvrir la fenêtre. Souvent au grand dam d'une dame agée placée pas loin. Après cette impertinence, tout est permis. Un comportement aussi audacieux sans consulter du regard ses congénères relève de la folie. Tout est donc permis.
Petit jeu idiot au risque de.
J'ouvre la fenêtre au maximum. De préférence, celle du coté rail, sinon ce n'est pas drôle. J'aggripe le rebord et sors un doigt timide pendant que le paysage défile. Les jours de juin sont capricieux par ici, ils épuisent et essorent puis abreuvent lourdement de pluie les champs déjà humides. Lorsque le train file a toute allure, je lâche mes cheveux et sors la tête. Le vent m'assomme, me coupe toute respiration, me ferme les yeux, avec violence et puissance. Ose donc écarter tes cils. Tente d'ouvrir la bouche, il y a tellement d'air que j'en manque. Si mon visage s'incline face a la vitesse, mes cheveux eux, paniquent. Ils fouettent la vitre, s'éparpillent, tournent sur mes joues pour m'appeler au secours. Et alors? Que les plus lâches me quittent, qu'ils se marient au vent, je peux très bien être chauve. Mis a part le fouet du vent, rien ne palpite vraiment dans le fait de sortir la tête par la fenêtre d'un train. Rien sauf les trains qui viennent d'en face. D'un coup de klaxon ils s'annoncent, presque avec douleur. Ouvre grand tes yeux, regarde le véhicule d'en face qui s'annonce encore, qui te prévient de son passage. Il arrive vite, très vite, plus vite que je ne le pense. Il faut garder les yeux ouverts, le plus longtemps, il faut rester a cette fenêtre, penchée sur les kilomètres qui m'échappent. Il faut rester jusqu'a ce que le train soit a quelques mètres de ma tête, avec mon cœur qui s'accélère. Serais-je décapitée aujourd'hui? Arriverais-je a rentrer a temps? Les secondes semblent éternelles, je sens mon corps se tendre comme un câble et une pulsion de vie s'insuffle dans mes bras. Quelques secondes pour sauver ma tête, pour ne pas me faire happer. Des secondes intenses d'adrénaline, mélange de peur et d'excitation. La tête du train est la et mes bras me propulsent vers l'arrière dans un dernier sursaut. Le véhicule passe en sifflant devant mes yeux, je fais quelques pas en arrière. Le souffle coupé, les cheveux en bataille, je me laisse tomber dans le siège devant la dame encore choquée.
Petit jeu idiot au risque de.
samedi, juin 23, 2007
Jeu idiot
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