mardi, mai 22, 2007

La Sirène des pompiers



Depuis mes sept mois ici, je traque les failles dans les poutres en bois, je m’amuse des coups de pinceaux au mur, je compte les briques de la maison d’en face. Quelques fois j’abhorre les pigeons nourris sur le toit d’a coté. Parfois.

J’ai souvent remarqué le fantôme d’en face. Celui qui a constamment une télévision allumée, avec une chaussure d’enfant posée dessus. Avec une lumière bleutée qui inonde la fenêtre, d’une ambiance lointaine et impénétrable. Avec le retour des beaux jours, j’ai prêté l’oreille, pour écouter la vie du voisin mystère. J’ai guetté à ma fenêtre une apparition, un signe, un besoin de regarder dehors, mais non.

Cette pièce vide devint une chambre d’enfant, sans les rires qui l’accompagnent. Une télévision, témoin du monde, avec le son coupé et une fenêtre sans rideau qui pourtant ne révèle rien. Un univers sourd et lourd composé de bleu, vivant la nuit. Peut-être une créature aquatique en mal de mère. Qui sait.

Mais ce matin, je me suis penchée sur les tuiles, j’ai tendu mon visage au soleil en regardant ma cigarette se consumer. J’ai fermé les yeux puis j’ai senti quelque chose arriver. A la fenêtre d’en face, une petite main s’accrochait au rebord. J’allais enfin savoir. Une toute petite main. Un enfant ? Une fillette ? La main était délicate mais pourtant décidée a ne pas lâcher le bord. Peu à peu, elle s’avança dans l’encadrement et un bras apparu. Un bras fin et blanc, qui glissait contre le plastique de la fenêtre. Par petits morceaux, le fantôme se dévoilait au grand jour. Un débardeur noir sur un corps fin, quelques boucles rousses apparaissaient.

Elle se pencha par la fenêtre pour tailler un crayon noir. Elle était jolie, ma voisine fantôme, éthérée, presque malade avec des cheveux flamboyants de contradiction. Elle flottait presque à l’air libre, penchée outrageusement sur le bitume. Soudain, elle leva les yeux, et comme apeurée par ma vue, elle esquissa un petit sourire pour se retirer dans sa chambre. Sa promptitude, son empressement a se cacher me fit comprendre que j’avais vu une sirène. Une de ces créatures fantastiques auxquelles on se refuse de croire. Et lorsqu’on les a sous les yeux, il faut attendre patiemment qu’elles daignent tailler un crayon à l’air libre. Histoire d’y croire et de voir.