Assise au fond, je sautille sur ma chaise. Je ne tient plus, je rigole, des paroles tarabiscotées me sortent de la bouche, j’ai la patience d’une enfant de 3 ans. Dehors, les rares oiseaux de la ville pépient. Et quel concert ! Piou par çi , piou par là. Je me tourne , me retourne, j’observe par la fenêtre, le ciel s’assombri. Je suis un fil conducteur , toute l’électricité qui peut exister une après-midi d’orage passe par mon corps, mon esprit et mon humour, un peu électrocuté pour la peine. Devant moi, une femme aux yeux bleu javel parle de poésie surréaliste. Elle narre le génie incompris par les futiles que nous sommes. Elle n’a que trop raison. Je suis animale. Et je m’excite au moindre phénomène naturel. Pardon madame. J’aurais aimé pouvoir me concentrer sur la juxtaposition réfléchie.
C’est alors. Que mon cœur s’accélère. Que je sens un souffle froid. Que les oiseaux s’arrêtent de chanter. Que la cloche sonne . Que la pluie s’abat sur la grisaille citadine.
Une pluie. Torrentielle ! Oblique, épaisse, puissante. Elle semble tout dévaster de sa colère. Moi, je me lève, ouvre la fenêtre et comprends que ça ne durera pas. Je range précipitamment toutes mes affaires, je descend les quatre étages en courant ( je ne pense pas à ma peur de dégringoler je ne pense pas à ma peur de…), je cours , je cours. Je ne veux pas en louper une goutte. J’arrive au rez-de-chaussée en prenant le tournant dans les escaliers, je m’essouffle, je sens le courant d’air qui me happe, et. Je percute quelqu’un . Au beau milieu des marches. Je reprends mes esprits et découvre un bouchon de personnes. Ils attendent tous que la giboulée passe. Je refoule mon mépris pour des gens qui perdent tout contact avec les impressions sensibles, et je m’enfonce dans la masse. Je ne dis plus pardon, je pousse, je pique avec mes coudes, mon sac martèle les genoux trop statiques, et j’atteint la porte, enfin.
Aussitôt, je saute dans une flaque a pieds joints. C’est le bonheur. La rédemption. Chaque goutte qui s’écrase sur moi fait partir toute la crasse de la ville. Elles éclatent , étoilées, elles imbibent ma robe , mes chaussures, mon sac de toile, mes cheveux qui serpentent. J’ouvre les bras, j’accueille toute cette colère. Les giboulées de Mars. Et ça repart. Oui mon jeu de mot équivaut a zéro. Je suis consciente que mon humour est à plat. Mais toute cette eau, qui me dégouline, qui trace des chemins, qui me touche, qui gondole mes cahiers. Je rouvre les yeux et réalise que je suis seule à être dehors. Qu’importe , restez donc bien au sec, gardez vos petites chaussures bien propres, vous crèverez du CO2. Ou de vous-même. J’ouvre le portail, et rencontre un sourire.
L’aura. Qui elle aussi, se délecte de la pluie. « J’aime quand l’eau tombe du ciel…(resterait-il une amoureuse sur cette planète ?)Ce que je préfère par dessus tout, c’est l’odeur du béton mouillé. » Je déglutit. Je l’observe. Lui demande si elle est sérieuse. Puis je me lance dans la liste d’odeur révélées par la pluie en temps normal. L’asphalte n’y figure pas. Un jour j’emmènerais L’aura dans un pré après la pluie. Au risque de la vacciner contre son quotidien. Ai-je le droit ? Est-ce un devoir ?
Je cours après mon bus. Dans lequel une petite fille ébahie chuchote de manière indiscrète : « Maman, regarde , une tahitienne ! » .
Non. Une humaine.