Je suis dans son lit. Quelque part sur le sol, l’ordinateur clignote et diffuse une lumière bleutée. On dirait un reflet aquatique. Pour ma part, je suis emmitouflée dans ses couettes et quand je me tourne, je vois la silhouette de son visage paisible à mes cotés. Et pourtant, je ne l’ai encore jamais touché. Et il est dans son lit, avec moi, un lendemain de pleine lune. Il serait encore capable de s’endormir sans prévenir. Il vient d’un autre monde , un monde où le contact physique n’est pas aussi significatif, allez , dormons paisiblement l’un à côté de l’autre, moi jeune homme si charmant avec des yeux verts hypnotiques électriques , moi le sympathique et amusant, moi le beau-parleur. Moi William, je m’endormirais sur commande par pur esprit de contradiction. Tu n’as qu’à me regarder plonger dans le sommeil.
Mais non. Il n’en sera pas ainsi. Alors je le secoue un peu. Je lui réclame une histoire. J’insiste encore et encore. « Bon dieu mais pourquoi tu veux une histoire ? » . Il n’a peut-être pas compris qu’elle ne doit pas forcément être orale. Il peut me conter de si jolies choses avec ses mains, où ne serait-ce qu’en posant ses lèvres dans mon cou. « Pourquoi tu veux une histoire alors que tu as à tes cotés une peluche d’1m80 ? »
Une peluche. Une poupée de tissus et chiffons inertes ? Quelque chose à cajoler qui ne réagira pas ? Et si j’arrêtais mes points d’interrogations ? Je me force , je les chasse , ils ne doivent pas envahir la pièce, j’en vois quelques uns qui s’accrochent déjà aux poignées de portes , ils rebondissent sur le parquet…Maudits points.
Je me tourne vers lui et le sens si près que pour la première fois, même les yeux fermés, je vois une lumière qui éclaire tout mon écran mental. Une lumière éclatante, réconfortante, brûlante de désir et d’envie. J’en aie le vertige. Ma tête tourne, je n’arrive plus à ouvrir les yeux et ma respiration s’accélère. Il faut que je me calme, sinon , je ne pourrais jamais chasser tout les points d’interrogations, qui pour la peine ,ont revêtus une teinte blanche. Et puis il faut que je maîtrise mes gestes. C’est la première fois que ça m’arrive . Avoir le tournis du désir …
Je lui demande si je peux me serrer contre lui. Il ouvre ses bras en me disant oui. Je respire, je me calme un petit peu et je me presse contre son corps si fin. Son épaule m’accueille, mon visage épouse son cou et mes bras l’enlacent, je suis bien, je me sens à ma place. On dirait que son torse a été fait pour moi. Je ne sens plus mon corps, tout n’est que chaleur, plénitude..
Et pourtant, ses lèvres me font toujours envie, si proches. J’entreprends l’ascension du mont William. Ma bouche accroche son cou, elle remonte, lentement . Je veux prendre mon temps. Je veux prendre le temps. Je veux que l’escalade dure, que le sommet, lorsqu’il sera atteint, sois mien . Je veux planter sur ses lèvres le drapeau de mon désir, parcourir les monts enneigés de son immobilité, l’attente endurée n’est plus qu’un souvenir, c’était un pas de plus vers lui. Mes lèvres embrassent timidement son menton, mon cœur s’accélère, j’arrive enfin à destination… Je prends appui sur mes bras et goûte enfin ce jeune homme…