C’est à peine il y a quelques minutes que tout refait surface. Comme un pan de ma vie effacé. Cette chanson qui retenti pendant que je tente de m’endormir, il aura fallu être dans la pénombre pour que me reviennent ces années. Celles de l’insouciance, celles où je buvais à la santé de la prof de littérature, celles où j’écoutais en boucle un groupe périmé à présent, l’année des amis égoïstes. Celles où je pouvais me permettre d’avoir des amis dangereux puisque j’en faisais partie. L’égoïsme clinquant, qui me revient comme un songe, des visages, des objets, des odeurs, des mélodies écoutées en boucle dans une chambre, des paroles murmurées en classe, des regards complices, des fous rires ostensibles et m’en-foutistes. Je m’en foutais, de tout. Et eux aussi. C’était merveilleux d’insouciance, et de pseudo-invincibilité, c’était pédant.
Toujours cette mélodie.. Si je devais mettre un visage dessus, cela serait celui d’Hélène. Le temps d’un album, on entre dans un univers avec ses propres lois, on apprécie les chansons, on réécoute le tout où on passe à autre chose. Moi, j’ai vibré sur chaque note, puis dans la logique d’une fille terriblement passionnante, mais qui, comme toute personne passionnante, est terriblement égoïste. Se laisser aller à l’écoute d’une composition, d’un genre à part, d’une fille proclamée, « c’est comme si on s’était trouvées ». A se chanter les paroles d’un bout à l’autre de la salle, nous n’étions rien d’autre que deux ados qui n’écoutaient pas les cours, se forgeant des souvenirs plus ou moins tenaces. Bien sur que le temps passe, et avec le temps, les goûts, musicaux ou autres. Bien entendu, ce n’est pas quelque chose qui a duré, mais en ce temps là, tout notre mépris pour le monde primait sur une quelconque raison ou perspective d’avenir. Nous étions bien, et ce n’est pas de l’ordre du regret, juste un agréable souvenir, le temps d’une mélodie dans le vent.