mardi, août 21, 2007

Et après?


Que cette mer est belle. A mes pieds les vagues finissent leur course, s’amusant parfois à faire glisser le sable sous mes talons. Petit à petit, elle m’ensevelit. Pendant que je contemple la hauteur de l’écume, mes chevilles s’enfoncent. Je me plante de tout mon poids en cassant la ligne d’horizon. Alors j’avance. Je marche dans l’eau salée et agitée qui résiste. Elle voulait bien de moi au bord, mais me refuse en son sein. Le vent du ciel m’ordonne de reculer, pourtant je ne fais qu’entrer, par la force. J’aimerais lui murmurer de me laisser entrer, mais sa colère m’emplit la bouche d’écume. Les remouds des vagues pétillent sur mes poignets, je m’émerveille devant la blancheur calme un instant. Les courants froids se plaisent a engourdir mes jambes, je refuse de penser aux poissons ou autres fleurs piquantes de la mer qui pourraient passer près de moi. Il fait bon, le temps s’arrête, je vois ma peau qui se dore au soleil, le ciel d’un bleu trop pur, les vagues émeraudes qui s’élancent. Non, la vague émeraude qui s’élance. Je lève les yeux, les bras baissés, impuissante devant la masse d’eau qui s’abat sur moi. Qu’emporte. Je suis forcée d’accepter l’invitation d’un tourbillon, la folle danse du sable glisse sur ma peau, se mêle a mes cils et mes cheveux. Je suis aveuglée dans le ventre de la mère. Je voudrais renaître, quitter le monde tumultueux et aqueux. Mon nez s’emplit d’eau, après tout je n’ai jamais rien senti, mais ma poitrine s’oppresse, je manque d’air. Dans un dernier sursaut de (n) vie, je tente de fendre les vagues. Mes bras s’affolent et mon cœur s’accélère, je m’accroche au sable pour pouvoir remonter. Je crie, j’écris sous la mer en m’accrochant à elle. L’amor par la mère est étouffante.

samedi, juin 23, 2007

Jeu idiot

Il y a toujours cet espèce de pacte tacite dans les trains. De ceux qui consistent a s'observer du coin de l'oeil lorsqu'un nouvel arrivant intègre le wagon, ou bien celui qui veut que l'on se taise. Je n'ai rien contre ce genre de procédés typiquement occidental, peut-être même seulement français?
J'apprécie les codes sociaux établis et perpétrés par les anciennes générations, entre fausse bien-séance et impolitesse furtive.
Autrement dit, dans le train, on est sûr d'avoir la paix. Un silence de mort règne dans les wagons a moitié remplis. Les voyageurs, souvent issus de petits villages, sont ballotés et bercés par le bruit régulier d'une machine qui les digère.
Seulement, lorsque le train se lance a une bonne vitesse, il devient intéressant d'ouvrir la fenêtre. Souvent au grand dam d'une dame agée placée pas loin. Après cette impertinence, tout est permis. Un comportement aussi audacieux sans consulter du regard ses congénères relève de la folie. Tout est donc permis.

Petit jeu idiot au risque de.

J'ouvre la fenêtre au maximum. De préférence, celle du coté rail, sinon ce n'est pas drôle. J'aggripe le rebord et sors un doigt timide pendant que le paysage défile. Les jours de juin sont capricieux par ici, ils épuisent et essorent puis abreuvent lourdement de pluie les champs déjà humides. Lorsque le train file a toute allure, je lâche mes cheveux et sors la tête. Le vent m'assomme, me coupe toute respiration, me ferme les yeux, avec violence et puissance. Ose donc écarter tes cils. Tente d'ouvrir la bouche, il y a tellement d'air que j'en manque. Si mon visage s'incline face a la vitesse, mes cheveux eux, paniquent. Ils fouettent la vitre, s'éparpillent, tournent sur mes joues pour m'appeler au secours. Et alors? Que les plus lâches me quittent, qu'ils se marient au vent, je peux très bien être chauve. Mis a part le fouet du vent, rien ne palpite vraiment dans le fait de sortir la tête par la fenêtre d'un train. Rien sauf les trains qui viennent d'en face. D'un coup de klaxon ils s'annoncent, presque avec douleur. Ouvre grand tes yeux, regarde le véhicule d'en face qui s'annonce encore, qui te prévient de son passage. Il arrive vite, très vite, plus vite que je ne le pense. Il faut garder les yeux ouverts, le plus longtemps, il faut rester a cette fenêtre, penchée sur les kilomètres qui m'échappent. Il faut rester jusqu'a ce que le train soit a quelques mètres de ma tête, avec mon cœur qui s'accélère. Serais-je décapitée aujourd'hui? Arriverais-je a rentrer a temps? Les secondes semblent éternelles, je sens mon corps se tendre comme un câble et une pulsion de vie s'insuffle dans mes bras. Quelques secondes pour sauver ma tête, pour ne pas me faire happer. Des secondes intenses d'adrénaline, mélange de peur et d'excitation. La tête du train est la et mes bras me propulsent vers l'arrière dans un dernier sursaut. Le véhicule passe en sifflant devant mes yeux, je fais quelques pas en arrière. Le souffle coupé, les cheveux en bataille, je me laisse tomber dans le siège devant la dame encore choquée.
Petit jeu idiot au risque de.

mardi, mai 22, 2007

La Sirène des pompiers



Depuis mes sept mois ici, je traque les failles dans les poutres en bois, je m’amuse des coups de pinceaux au mur, je compte les briques de la maison d’en face. Quelques fois j’abhorre les pigeons nourris sur le toit d’a coté. Parfois.

J’ai souvent remarqué le fantôme d’en face. Celui qui a constamment une télévision allumée, avec une chaussure d’enfant posée dessus. Avec une lumière bleutée qui inonde la fenêtre, d’une ambiance lointaine et impénétrable. Avec le retour des beaux jours, j’ai prêté l’oreille, pour écouter la vie du voisin mystère. J’ai guetté à ma fenêtre une apparition, un signe, un besoin de regarder dehors, mais non.

Cette pièce vide devint une chambre d’enfant, sans les rires qui l’accompagnent. Une télévision, témoin du monde, avec le son coupé et une fenêtre sans rideau qui pourtant ne révèle rien. Un univers sourd et lourd composé de bleu, vivant la nuit. Peut-être une créature aquatique en mal de mère. Qui sait.

Mais ce matin, je me suis penchée sur les tuiles, j’ai tendu mon visage au soleil en regardant ma cigarette se consumer. J’ai fermé les yeux puis j’ai senti quelque chose arriver. A la fenêtre d’en face, une petite main s’accrochait au rebord. J’allais enfin savoir. Une toute petite main. Un enfant ? Une fillette ? La main était délicate mais pourtant décidée a ne pas lâcher le bord. Peu à peu, elle s’avança dans l’encadrement et un bras apparu. Un bras fin et blanc, qui glissait contre le plastique de la fenêtre. Par petits morceaux, le fantôme se dévoilait au grand jour. Un débardeur noir sur un corps fin, quelques boucles rousses apparaissaient.

Elle se pencha par la fenêtre pour tailler un crayon noir. Elle était jolie, ma voisine fantôme, éthérée, presque malade avec des cheveux flamboyants de contradiction. Elle flottait presque à l’air libre, penchée outrageusement sur le bitume. Soudain, elle leva les yeux, et comme apeurée par ma vue, elle esquissa un petit sourire pour se retirer dans sa chambre. Sa promptitude, son empressement a se cacher me fit comprendre que j’avais vu une sirène. Une de ces créatures fantastiques auxquelles on se refuse de croire. Et lorsqu’on les a sous les yeux, il faut attendre patiemment qu’elles daignent tailler un crayon à l’air libre. Histoire d’y croire et de voir.

vendredi, avril 20, 2007

Peut-être plus que d’autres, certainement moins que certains.

Un jour, j’irais me noyer, ici ou ailleurs. Dans une baignoire ou dans la mer. Je quitterais le navire, avec le sourire peut-être. Il fera beau. Mon plus beau jour pour mon plus beau suicide. Retour a l’eau maternelle. L’eau me portera, loin, au fond, avec les baleines, les poissons. Je nagerais, avec ma peau dorée par les rayons, je me glisserais entre les remouds. L’eau sera froide, les profondeurs effrayantes de noirceur. Le fond m’appelleras, m’aspireras. Je me laisserais faire, pour dire adieu a la surface. Un dernier regard pour la beauté du monde, pour ses merveilles, avec pour seul regret de ne pas avoir su l’aimer comme il faut…

Non je ne flotterais pas. Je resterais un élément solide dans une marée liquide. Dans une eau limpide. Peut-être que je pleurerais. Les poissons ne pleurent pas, eux. Il n’y a que l’humain qui a cette manie de déverser tant d’eau. Alors j’aurais l’idée de fermer les yeux et mes pieds s’engourdiront. Avec le fond qui appelle à la déraison. Un jour de beau soleil, où les sourires scintilleront, ou la mer brillera aveuglément. Je me laisserais couler, les yeux grands ouverts. Parce que je n’aurais plus peur. Je comprendrais les poissons au sang froid, j’effleurerais les algues et caresserait le sable mouvant. Lorsque le manque d’air se fera sentir, je serais suffisamment loin de tout pour pouvoir revenir. Le froid m’envahira, j’aurais un réflexe de survie, pour remonter, pour vivre, respirer, encore rester. Je ne voudrais pas mourir. Mais j’aurais touché le fond. Ma poitrine s’oppressera, mes gestes ralentis par le poids du monde ne feront rien pour me ramener la haut. Mes derniers instants, rien de plus, rien de moins. Des tas de gens meurent tout les jours. Noyade au centre de la vie, noyau de mes envies.