jeudi, décembre 22, 2005

Bol chaud et bol froid , Lucie ressent , elle ne voit pas

Petit fruit de forme ovale , ce délice sucré a la peau acérée entre mes mains curieuses tourne sur lui même à en pâlir . Protégé par sa coque piquante –mais pas trop- , il semble être une grenade , prêt a exploser une fois désamorcé . Beauté vénéneuse , rocailleuse. C’est décidé , je pèle le fruit , il me fait trop envie ! Ces pics ont chacun une zone de délimitation , montrant son évolution , laissant imaginer que tout a commencé par un noyau recouvert d’une peau dure et sèche .
Puis, il a poussé , sa chair blanche s’est raffermie sous l’écorce protectrice au soleil… et l’humain a interrompu son cycle en le cueillant ( et encore je ne veux pas savoir dans quelles conditions ), lui laissant comme unique souvenir une minuscule tige… typique d’un nombril qui n’a pas le temps de cicatriser .
Je le presse délicatement , il ne dit rien . Ce fruit ne parle pas , il n’a rien a me dire . Une muette écoutant un autre muet . On est pas sorti de l’auberge !
J’enfonce l’ongle de mon pouce et perfore la couche première. Une perle de jus apparaît et lorsque je soulève la peau litchienne , non seulement c’est l’hémorragie mais mes doigts sont trempés et gouttent sur la table . Qu’importe , la gourmandise prend le pas sur le bon sens inculqué et transmis par les autorités maternelles ( à savoir N-E-T-T-O-Y-E-R )et je pèle le fruit . Mon ongle a laissé une marque , comme une plaie dans sa chair . Il est mien a présent. L’intérieur est rosâtre , comme l’intérieur des babines des chats . Je suis donc dans l’intimité buccale de l’arbre . A travers ce litchi , j’embrasse et goûte la nature . Je lui roule la pelle de ma vie , car une fois le tout débarrassé de sa « coquille » , je gobe le paquet de chair blanche et laisse couler son jus dans ma bouche . C’est doux , c’est sucré , je voudrais que ce moment dure 100 ans !
Je croque et dépèce doucement les différentes couches , jusqu'à ce qu’il n’y ai plus rien a manger . Il me reste donc ce noyau , dur et lisse à la fois , cette bille noire ratée , cette graine , le commencement de mon plaisir gastronomique , aussi petit soit-il . Adieu petit litchi , j’ai pris mon pied , à présent , au suivant !