mercredi, décembre 28, 2005

Et la neige , encore et toujours,maudite poudre d'ange secoué


Celui ci joue sa vie aux dés , déresponsabilisation maximale , entre brutale folie et survie inutile. Aurélien qu’il s’appelle . Un nom qui se déroule et qui pourrait être porté par tout le monde . Et pourtant , son prénom banal en bandoulière il s’affronte lui même entre deux cachets calmants ; dans ses combats intérieurs il doute , de lui , de tout , de moi , des autres ; dans son combat extérieur il lutte contre moi , les autres , la société et sa maladie qu’il planque sous son drapeau de jeune homme accompli . Il a fallut qu’Aurélien me donne les ciseaux pour donner un coup dedans , peut-être étouffait-il la dessous, peut-être qu’il m’a forcée ou déchiré tout seul , tout compte fait que j’étouffe avec lui . J’étouffe de lui .
Il m’abreuve de paroles , il veut transmettre avant de partir , il m’enseigne des choses que je connais par cœur , il m’empêche de parler , il veut exister . Barrière de paroles et regard noir , il est tapis contre le radiateur , ses dés dans une main , sa tête dans l’autre . La flamme de la bougie vacille dans ses yeux , il ne me parle pas , il se parle , je ne suis qu’une enveloppe corporelle lui permettant de se comprendre , de se poser des questions , pâle miroir , reflet de sa folie que j’accepte . Alors je parle la seule langue que les garçons volubiles ( et omnubilés par eux –mêmes ) comprennent : celle du corps . A force de dés et de cartes , nous nous retrouvons sur le tapis , main dans la main , a contempler le plafond , la bouche plein de questions et les yeux embués par l’alcool . Aurélien parle avec des points d’interrogations , je conte avec mes mains mais ne dit rien … Aurélien doute pendant que je tente de rester sur terre , de ne pas partir dans les eaux troubles de son esprit . Il ressemble fort a un arbre mort il y a longtemps.
Il s’agit la de ne pas tomber . Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là , mais j’ai froid , si froid… La neige tourbillonne devant mes yeux , les flocons s’accrochent a mes cheveux et je me retrouve telle une poupée à la chevelure de dentelle . Je me sens tomber en avant et je réalise soudain que je suis assise au bord de la fenêtre , deux étages en dessous de moi une voiture se fait poudrer par le ciel. Ma tête tourne et je vais tomber , c’était donc ça la surprise du jour : ma mort . Soit . Je m’y fait . Je m’y conforme , mais quitte a tomber , autant que je me jette moi même plutôt que d’attendre la chute fatale ! Je m’avance un peu plus et me sens partir quant quelque chose m’attrape , m’enserre et me retient . Aurélien . Il me tire en arrière et me ramène au chaud, dans la réalité . Je remarque aussi que je ne veux pas ouvrir les yeux . Je n’aime pas voir les garçons quand je suis dans cet état. Je préfère les sentir , mais avec Aurélien c’est différent . Il est insaisissable , imperceptible , il file et glisse comme le vent . Et surtout , je ne lui fait pas d’effet . Peut-être sent-il que je joue, peut-être sait-il que je ne veux pas de lui car ma vie est ponctuée de garçons qui dévorent mon corps et chevauchent mon incandescence pour mieux s’y brûler par un refus ou prétexte quelconque .
Alors il attend, il attend que je sois sincère . Et ça prend du temps . Aurélien attend que je quitte ma carapace , que je ressente quelque chose , vraiment . Il a toute la nuit , même si ses jours sont comptés. Les heures passent , le jour se lève avec ma sincérité .Subitement j’ai envie , pour de vrai , de lui , de tout , de son esprit ,de son étreinte et de son amour, aussi éphémère soit-il ! Il se rend compte que je suis moi mais il est trop tard, il se lève , m’embrasse et m’offre ses dés … Il m’avait promis en effet de me les donner la dernière fois que nous nous verrions . Funeste cadeau , significatif et douloureux, est-ce vraiment l’heure du départ ? En coup de vent il part , il me laisse là , sur ce tapis ,dans cette pièce qui aurait du être mienne si j’avais eu mon bac , sur cette chanson de Placebo qui hurle de me protéger contre ce que je voudrais … Au milieu de cadavres de bouteilles , témoins de la nuit tumultueuse , le cœur au bord des yeux , les larmes au bord du cœur et les yeux remplis de larmes , je ferme les yeux et repense a celui qui quelques minutes plus tôt me serrait dans ses bras …