Plus le temps passe, et plus je me perds. Je perds mon insouciance, mes mots, mes impressions. Je n’arrive plus à m’en souvenir, je périme l’instant. Je ressens moins, et lorsque cela m’arrive, je le phrase immédiatement. Mettre des mots sur les choses, cela les efface. J’efface le temps qui passe. Et je suis lasse.
Peut-être ai-je remis ma carapace, non pas celle qui me protège des autres, mais celle qui m’anesthésie, celle qui m’empêche de ressentir. Comme si je me coupais volontairement les nerfs en me disant que j’ai moins mal comme ça. Comme si je me persuadais que je pouvais toujours autant attraper l’instant à pleines mains, alors que, sans nerfs… on ne ressent plus rien. La magie d’avoir des mains chaudes et un cœur froid, ça s’appelle couper court au ressenti, ou du moins suffisamment pour pas que ça atteigne la poitrine. Les mains pleines de sang donc, pour continuer de toucher, les pieds en état de marche, mais qu’en est-il de l’intérieur ? Les coudes et les genoux, ces coins coupés de moi. Comme « Dans ma peau », ça ne m’appartient plus.
Et que vive la surface.