mardi, septembre 04, 2007

Une image vaut mille mots.

On ne peut l’apercevoir que lorsqu’on touche le fond. Lorsque le soleil brille au dehors, que le monde se prélasse, peut-être la verras tu. Il faut de la tranquillité et de la solitude pour connaître cette image si unique. Quand les proches se sont gorgés du mélange de fraîcheur et de chaleur, lorsqu’ils sortent de l’eau et qu’ils se prélassent dans un bonheur artificiel. C’est à cet instant, quand personne ne pense à toi, que tu pourras toucher le fond. L’air n’est pas nécessaire, il est même prohibé pour voir le monde d’en bas. Plus besoin de respirer, de faire agir son corps, d’être soi et de s’octroyer une dose d’oxygène. Il faut s’oublier pour contempler. Vide tes poumons de l’égocentrisme mécanique, seul ton cœur bat encore. Dans l’eau chlorée et domptée par l’homme, il faut se laisser aller. Plus d’oxygène pour faire remonter à la surface ce corps qui oublie l’univers qui l’entoure. Pas de témoins pour s’inquiéter et paniquer. Personne pour comprendre. Seul face à toi-même, tu descends au plus profonds de ton être. Médite au fond de cette eau maternelle qui te destine à vivre et mourir. Laisse toi couler en fermant les yeux, sans avoir peur. De l’extérieur, on croirait que tu dors paisiblement, mais tu te prépares au spectacle le plus improbable : le monde révélé par l’eau sommeille en toi. Dans un silence apaisant, chaque bruit est atténué, seule l’eau qui se meut emplit tes oreilles d’une musique sereine. Ton enveloppe charnelle touche un carrelage, peut-être du plastique, qu’importe, tout est doux puisque caressé par des millions de gouttes. C’est alors le moment d’ouvrir les yeux sur cette image merveilleuse. Les poissons ne lèvent pas la tête, seuls les morts peuvent la voir, et peut-être toi. Les amoureux des profondeurs la connaissent sûrement, mais y prêtent-ils suffisamment attention ?
A plat ventre dans une piscine vide ou trop pleine pour toi, tu joues le rôle des morts, sauf que tu as le devoir de te retourner. De te retourner sur toi-même et d’ouvrir grand les yeux. Comme un aveugle qui découvre les couleurs, les yeux te piquent, mais qu’importe, c’est le prix à payer. Une masse d’eau au-dessus de toi, invisible et pourtant agréablement pesante te sépare de la surface, mais si tu plisses un peu les yeux, tu vois les remouds éclairés par le soleil. Les rayons se distillent en grains d’or, le ciel si bleu devient flou, gardes les yeux ouverts. Quelques bulles s’échappent de ton nez, tu les voies commencer une course folle vers une liberté où seul l’air se réalise. Leur chemin résonne tout autour de toi, tu t’entends avaler ta salive, tu t’entends. Le monde extérieur se meut en fonction des mouvements que tu effectues là, en bas. L’eau altère ton univers, n’expire pas trop ou tout sera brouillé, contemple et retiens ta respiration humaine. Chaque bras que tu bouges, chaque clignement d’œil se répercute tout la haut, sur ta manière de voir le ciel. Pourtant le soleil transperce et tente de réchauffer, mais tout n’est qu’illusion, tu ne peux plus te repaître d’une chaleur factice, ton corps est froid comme ton âme, comme l’amas de chair que tu es et que tu as toujours été. Ton cœur s’affole sans doute, il a raison, il a besoin d’air, il a besoin du monde extérieur pour te dicter des réflexes pour sur-vivre. Mais vois tu seulement comme chaque chose à son incident ? Le battement d’aile d’un papillon, le caillou qui tombe dans l’eau et perturbe tout l’équilibre naturel, voilà que toute ta vie se transforme. Un doux rêve pour quelqu’un qui se ren-dort au lieu de se dorer en surface. Une image merveilleuse et douce d’un monde flou, d’arbres qui chuchotent et te parlent lorsque tu les regardes d’ici, d’un ciel véritable qui change à chaque instant, d’un soleil sublime mais théâtral, d’une poussière d’or autour de toi. Les rêveurs veulent capturer la lune et toucher les étoiles, sans passer par la renaissance aquatique. Lorsque ta poitrine s’oppresse, ton corps réagit tout seul et tes pieds te propulsent vers la surface. Tends tes mains vers le soleil, essaye d’attraper le ciel dans un regard dans une image que seul ton esprit imprime. Aucun photographe ne pourra la capturer, la mettre en scène et l’exposer. Mille mots valent un instant sous l’eau.