samedi, mars 18, 2006

Ascension

Je suis dans son lit. Quelque part sur le sol, l’ordinateur clignote et diffuse une lumière bleutée. On dirait un reflet aquatique. Pour ma part, je suis emmitouflée dans ses couettes et quand je me tourne, je vois la silhouette de son visage paisible à mes cotés. Et pourtant, je ne l’ai encore jamais touché. Et il est dans son lit, avec moi, un lendemain de pleine lune. Il serait encore capable de s’endormir sans prévenir. Il vient d’un autre monde , un monde où le contact physique n’est pas aussi significatif, allez , dormons paisiblement l’un à côté de l’autre, moi jeune homme si charmant avec des yeux verts hypnotiques électriques , moi le sympathique et amusant, moi le beau-parleur. Moi William, je m’endormirais sur commande par pur esprit de contradiction. Tu n’as qu’à me regarder plonger dans le sommeil.

Mais non. Il n’en sera pas ainsi. Alors je le secoue un peu. Je lui réclame une histoire. J’insiste encore et encore. « Bon dieu mais pourquoi tu veux une histoire ? » . Il n’a peut-être pas compris qu’elle ne doit pas forcément être orale. Il peut me conter de si jolies choses avec ses mains, où ne serait-ce qu’en posant ses lèvres dans mon cou. « Pourquoi tu veux une histoire alors que tu as à tes cotés une peluche d’1m80 ? »

Une peluche. Une poupée de tissus et chiffons inertes ? Quelque chose à cajoler qui ne réagira pas ? Et si j’arrêtais mes points d’interrogations ? Je me force , je les chasse , ils ne doivent pas envahir la pièce, j’en vois quelques uns qui s’accrochent déjà aux poignées de portes , ils rebondissent sur le parquet…Maudits points.

Je me tourne vers lui et le sens si près que pour la première fois, même les yeux fermés, je vois une lumière qui éclaire tout mon écran mental. Une lumière éclatante, réconfortante, brûlante de désir et d’envie. J’en aie le vertige. Ma tête tourne, je n’arrive plus à ouvrir les yeux et ma respiration s’accélère. Il faut que je me calme, sinon , je ne pourrais jamais chasser tout les points d’interrogations, qui pour la peine ,ont revêtus une teinte blanche. Et puis il faut que je maîtrise mes gestes. C’est la première fois que ça m’arrive . Avoir le tournis du désir …

Je lui demande si je peux me serrer contre lui. Il ouvre ses bras en me disant oui. Je respire, je me calme un petit peu et je me presse contre son corps si fin. Son épaule m’accueille, mon visage épouse son cou et mes bras l’enlacent, je suis bien, je me sens à ma place. On dirait que son torse a été fait pour moi. Je ne sens plus mon corps, tout n’est que chaleur, plénitude..

Et pourtant, ses lèvres me font toujours envie, si proches. J’entreprends l’ascension du mont William. Ma bouche accroche son cou, elle remonte, lentement . Je veux prendre mon temps. Je veux prendre le temps. Je veux que l’escalade dure, que le sommet, lorsqu’il sera atteint, sois mien . Je veux planter sur ses lèvres le drapeau de mon désir, parcourir les monts enneigés de son immobilité, l’attente endurée n’est plus qu’un souvenir, c’était un pas de plus vers lui. Mes lèvres embrassent timidement son menton, mon cœur s’accélère, j’arrive enfin à destination… Je prends appui sur mes bras et goûte enfin ce jeune homme…

Descente en rappel


L’instant dure une seconde. Je sens un doigt sur mon menton qui me pousse en arrière. « Mais, qu’est-ce que tu fais ? »

Soudainement, tout se déchire. Je me cale contre son épaule, et murmure un « chaipa ? » un peu brisé. Mais j’ai bien compris, et déjà le vent s’engouffre dans ma poitrine ouverte. L’eau déborde de mes yeux, je , je crois que je pleure. En silence. Contre son épaule que j’inonde. Je n’arrive plus à réfléchir. Les seuls mots qui me viennent en bouche sont aussi froid que l’air qui passe par l’ouverture dans mes poumons. « Pauvre conne que je suis. » C’est alors qu’il remarque. Il me serre encore plus, il tente de me réchauffer, il raconte mon prénom plusieurs fois. Mais rien n’y fait. Plus de lumière, plus de désir , plus de drapeau. Maudits courants d’air. Je m’échappe de son étreinte et me retourne de l’autre coté. Je préfère avoir froid toute seule que d’espérer me réchauffer dans ses bras. Et j’inonde l’oreiller. Qu’y puis-je, toute cette eau qui s’échappe de mes paupières, je n’arrive pas à l’arrêter. Je ne sais qu’une chose, c’est que tout recommence. Il me dit des mots que je n’écoute pas. Peut-être étaient-ils sincères. Ils l’étaient sûrement. Il me reprend dans ses bras mais ce n’est plus moi qu’il enlace. C’est ma coquille. Je déclare un « bonne nuit » en tentant de sourire, mais je le sens qui se termine en grimace. Qu’importe. Quelques minutes plus tard, William s’endort, son souffle est régulier. Je n’arriverais jamais à atteindre l’état de sommeil à ses côtés. Il n’est plus celui que j’ai connu. Je me lève et reprends mes esprits. Il me faut m’en aller. Mais où ? Il est minuit passé. Chez moi ? J’habite à une heure à pied. Quelle sera la réaction de mes parents en me trouvant dans mon lit ? Et si je fais une mauvaise rencontre ? Et si je fais du bruit en partant ? Les points d’interrogations s’amusent. C’est le festival , une farandole. Il faut que je rentre avec lui demain matin à l’internat. Je dois donc rester à tout prix. Mais pas dans la même pièce. Â tâtons, je cherche une autre pièce. J’arrive dans une chambre d’enfant et je me glisse sous les couettes. Aussitôt le sommeil m’emporte, et je rêve quelques heures. Je me relève. J’observe le soleil se lever. Puis j’entend le réveil de William sonner. Je reste allongée et je sens quelqu’un se presser contre moi. On me murmure à l’oreille. S’en est trop. Pourquoi être si doux si c’est pour me refuser ?

Je ne dis rien. Je me lève, esquisse un sourire et me prépare pour la journée . Il fait toujours aussi froid dans ma poitrine. Mais le sourire est la plus belle arme qui existe. L’arme qui préserve des déchirements et qui permet de s’auto convaincre que tout va bien. Et que ce n’est pas grave .

Vulgum pecum

Le trajet en voiture se passe sur une bande musicale appropriée : Muse. Il parle . Je ne réponds pas. Il pose des questions pertinentes qui me donnent envie de m’échapper par la fenêtre. Il raconte qu’il regrette tout ça et qu’il pensait que nous étions amis. Arrivés à l’internat, je ne le regarde plus et répond à son au revoir. Je traverse le terrain de sport, le soleil réchauffe ma coquille. Je sens mon écharpe trempée, et quand je l’examine de plus prés, je réalise que l’eau déborde encore de mes yeux . Je me précipite dans ma chambre. Remballe mes affaires. Et décrète que ça serait une mauvaise journée.

En effet. Arrivée au lycée, une dizaine de jeunes font blocus devant les portes principales. Une manière intelligente de protester contre le Cpe que de m’empêcher d’aller à la journée de cours la plus chargée de la semaine. Une vieille amie se réveille alors. Violence. Qui est souvent accompagnée de Vulgarité et de Sarcasme. Quand l’eau se change en glace. Je manque donc de frapper les 3 idiotes de ma classe qui me racontent que je n’aurais pas de boulot si je ne proteste pas maintenant. Je lui rétorque que je ne compte pas vivre en Europe quoi qu’il advienne. Elles ne trouvent rien à répondre si ce n’est qu’elles s’en foutent, alors je passe par la porte de derrière. Parce que les idiotes ne songent pas à bloquer toutes les portes . Parce que les idiotes qui sèchent a 80 jours du bac alors qu’elles ont 6 de moyenne général viennent si peu au lycée qu’elles ne connaissent pas l’existence des portes de derrière. Et qu’elles préfèrent agiter des banderoles sur la route. Je me dit qu’elles peuvent protester tant qu’elles veulent puisqu’elles reviendront l’an prochain au lycée. Qu’importe, je passe une heure a discuter de littérature avec ma prof, au soleil qui filtre par les fenêtres, avec pour musique les djembés des clampins dehors. Elle parle de Delerm. Elle parle, du vulgum pecum. Et je sourie. Pour une fois que je comprends un professeur. Et vice versa.

L’après midi se passe en fou rire avec Théa. Et puis vient le moment où je rentre chez mon père . L’eau remonte. Cyclothymique. La tête posée sur mon sac indien,j’entend mon père me parler d’anaphores. Un homme entre dans le bureau . Il est grand, une barbe grise et des lunettes .Et une voix très douce. Il parle du temps qui passe. Et il me demande : « La vie , ça va ? » Mon père me le présente comme un anthropologue. Il me regarde tristement et me dit c’est important , qu’il ne faut pas oublier le passé, malgré tout. Quoi qu’il advienne.

Je baisse les yeux. Comment en quelques mots il m’a fait sentir qu’il a compris, et comment en quelques mots il m’a dit l’essentiel.

J’apprends plus tard que la ville a racheté son immeuble et qu’il s’est fait expulser. Ses livres ont été jetés par la fenêtre. J’imagine des ouvrages de milles auteurs se disperser dans la pollution citadine. Et je me sens encore plus triste de voir comment la culture est traîtée. Vulgum pecum.

dimanche, mars 12, 2006

Les dès qui jaunissent

Et toi , que veux tu faire plus tard ? La question sonne , résonne et tonne . Je la mâchonne et l’impose impétueusement .

Clément , les mains fines ,le regard perdu et le visage d’une fille , soulève un énième bout de papier griffonné. Je jette un œil au gribouillage et découvre un champignon qui rigole et qui fume. Jeune décadent . Je répète ma question et les yeux perdus se posent sur moi. Un regard doux, profond, posé et attentif. Un brin amusé. On dirait un chat qui regarde une sourie. Le stylo passe entre ses doigts de dessinateur. Et puis la réponse, enfin. « Je veux faire metteur en scène .»

La sarcastique que je suis ne peut s’empêcher de rigoler . « Je ferais des films intéressants, y aura pas d’amour dedans ! » . Demain sera sans amour alors.

Et toi, que veux tu faire plus tard ? La question fuse, se diffuse et m’amuse. Je l’use , perfuse et accuse mes comparses de manque de lucidité .

Marine, habillée de bleu, lunettes baissées et écriture qui gratte le papier. Une histoire fantastique est en cours dans son cerveau. Billes bleues qui ne me voient pas. « Je veux diriger un hôtel à Venise. » Je me colle au radiateur. La chaleur agrippe mes reins . Je frissonne en songeant aux brocolis au nutella.

Clément et Marine. Un hôtel à Venise et des films intéressants. Pourquoi pas des films intéressants sur les hôtels a Venise ? Pourquoi pas un hôtel qui dirigerait un film et une Marine qui mettrais en scène un Clément ? Un marin qui écrit une clément dessinant des histoires qui parle de films en agrippant les radiateurs qui tuent les brocolis et fondent le chocolat .

Et moi , personne ne m’a demandé ce que je veux faire plus tard ?

dimanche, mars 05, 2006

Tourne toi et regarde fils de pute

J’ai envie de continuer. J’ai envie de faire la pute, de prêter mon corps aux garçons ahuris. J’ai envie de les soumettre a mon refus qui résonne. Je veux qu’ils me dévorent. Chaque semaine un autre , comme avant . Jongler avec leurs prénoms , et puis les écrire .

Jouer avec ses lèvres , ses mains , sentir son souffle dans mon cou. Lui dire non d’un air douloureux. L’entendre me supplier, continuer de polir mon corps. Désire moi, je veux juste sentir que t’a envie de moi, contemple moi , adore moi , adule moi. Je passe de bras en bras , je ne suis plus moi , je me perds dans la carapace qu’il admire. Je me noie dedans. Je fais office de distraction temporaire. Je caresse la douce idée d’éphémère, je ponctue mes phrases d’amour léger, je saupoudre les idées fébriles et les emprisonnent . Je fermerais les yeux et je sentirais .

Ou sont passés les essoufflements et les émerveillements masculins ? Etait-ce mon état d’esprit précaire qui incitait à se servir de moi comme objet ? Mon abandon inconscient est il impossible à retrouver ? Jusqu’où faut-il fouiller pour se complaire dans les plaisirs de la chair ? J’ai déjà les mains pleines de terre. J’ai cassé la moitié de mes pelles . Je ne trouve plus . Ce n’est pas du sable , ni de la roche, ça s’effrite sans fin sans fond.