Le trajet en voiture se passe sur une bande musicale appropriée : Muse. Il parle . Je ne réponds pas. Il pose des questions pertinentes qui me donnent envie de m’échapper par la fenêtre. Il raconte qu’il regrette tout ça et qu’il pensait que nous étions amis. Arrivés à l’internat, je ne le regarde plus et répond à son au revoir. Je traverse le terrain de sport, le soleil réchauffe ma coquille. Je sens mon écharpe trempée, et quand je l’examine de plus prés, je réalise que l’eau déborde encore de mes yeux . Je me précipite dans ma chambre. Remballe mes affaires. Et décrète que ça serait une mauvaise journée.
En effet. Arrivée au lycée, une dizaine de jeunes font blocus devant les portes principales. Une manière intelligente de protester contre le Cpe que de m’empêcher d’aller à la journée de cours la plus chargée de la semaine. Une vieille amie se réveille alors. Violence. Qui est souvent accompagnée de Vulgarité et de Sarcasme. Quand l’eau se change en glace. Je manque donc de frapper les 3 idiotes de ma classe qui me racontent que je n’aurais pas de boulot si je ne proteste pas maintenant. Je lui rétorque que je ne compte pas vivre en Europe quoi qu’il advienne. Elles ne trouvent rien à répondre si ce n’est qu’elles s’en foutent, alors je passe par la porte de derrière. Parce que les idiotes ne songent pas à bloquer toutes les portes . Parce que les idiotes qui sèchent a 80 jours du bac alors qu’elles ont 6 de moyenne général viennent si peu au lycée qu’elles ne connaissent pas l’existence des portes de derrière. Et qu’elles préfèrent agiter des banderoles sur la route. Je me dit qu’elles peuvent protester tant qu’elles veulent puisqu’elles reviendront l’an prochain au lycée. Qu’importe, je passe une heure a discuter de littérature avec ma prof, au soleil qui filtre par les fenêtres, avec pour musique les djembés des clampins dehors. Elle parle de Delerm. Elle parle, du vulgum pecum. Et je sourie. Pour une fois que je comprends un professeur. Et vice versa.
L’après midi se passe en fou rire avec Théa. Et puis vient le moment où je rentre chez mon père . L’eau remonte. Cyclothymique. La tête posée sur mon sac indien,j’entend mon père me parler d’anaphores. Un homme entre dans le bureau . Il est grand, une barbe grise et des lunettes .Et une voix très douce. Il parle du temps qui passe. Et il me demande : « La vie , ça va ? » Mon père me le présente comme un anthropologue. Il me regarde tristement et me dit c’est important , qu’il ne faut pas oublier le passé, malgré tout. Quoi qu’il advienne.
Je baisse les yeux. Comment en quelques mots il m’a fait sentir qu’il a compris, et comment en quelques mots il m’a dit l’essentiel.
J’apprends plus tard que la ville a racheté son immeuble et qu’il s’est fait expulser. Ses livres ont été jetés par la fenêtre. J’imagine des ouvrages de milles auteurs se disperser dans la pollution citadine. Et je me sens encore plus triste de voir comment la culture est traîtée. Vulgum pecum.