L’instant dure une seconde. Je sens un doigt sur mon menton qui me pousse en arrière. « Mais, qu’est-ce que tu fais ? »
Soudainement, tout se déchire. Je me cale contre son épaule, et murmure un « chaipa ? » un peu brisé. Mais j’ai bien compris, et déjà le vent s’engouffre dans ma poitrine ouverte. L’eau déborde de mes yeux, je , je crois que je pleure. En silence. Contre son épaule que j’inonde. Je n’arrive plus à réfléchir. Les seuls mots qui me viennent en bouche sont aussi froid que l’air qui passe par l’ouverture dans mes poumons. « Pauvre conne que je suis. » C’est alors qu’il remarque. Il me serre encore plus, il tente de me réchauffer, il raconte mon prénom plusieurs fois. Mais rien n’y fait. Plus de lumière, plus de désir , plus de drapeau. Maudits courants d’air. Je m’échappe de son étreinte et me retourne de l’autre coté. Je préfère avoir froid toute seule que d’espérer me réchauffer dans ses bras. Et j’inonde l’oreiller. Qu’y puis-je, toute cette eau qui s’échappe de mes paupières, je n’arrive pas à l’arrêter. Je ne sais qu’une chose, c’est que tout recommence. Il me dit des mots que je n’écoute pas. Peut-être étaient-ils sincères. Ils l’étaient sûrement. Il me reprend dans ses bras mais ce n’est plus moi qu’il enlace. C’est ma coquille. Je déclare un « bonne nuit » en tentant de sourire, mais je le sens qui se termine en grimace. Qu’importe. Quelques minutes plus tard, William s’endort, son souffle est régulier. Je n’arriverais jamais à atteindre l’état de sommeil à ses côtés. Il n’est plus celui que j’ai connu. Je me lève et reprends mes esprits. Il me faut m’en aller. Mais où ? Il est minuit passé. Chez moi ? J’habite à une heure à pied. Quelle sera la réaction de mes parents en me trouvant dans mon lit ? Et si je fais une mauvaise rencontre ? Et si je fais du bruit en partant ? Les points d’interrogations s’amusent. C’est le festival , une farandole. Il faut que je rentre avec lui demain matin à l’internat. Je dois donc rester à tout prix. Mais pas dans la même pièce. Â tâtons, je cherche une autre pièce. J’arrive dans une chambre d’enfant et je me glisse sous les couettes. Aussitôt le sommeil m’emporte, et je rêve quelques heures. Je me relève. J’observe le soleil se lever. Puis j’entend le réveil de William sonner. Je reste allongée et je sens quelqu’un se presser contre moi. On me murmure à l’oreille. S’en est trop. Pourquoi être si doux si c’est pour me refuser ?
Je ne dis rien. Je me lève, esquisse un sourire et me prépare pour la journée . Il fait toujours aussi froid dans ma poitrine. Mais le sourire est la plus belle arme qui existe. L’arme qui préserve des déchirements et qui permet de s’auto convaincre que tout va bien. Et que ce n’est pas grave .