mardi, février 14, 2006
Le goût recherché de l'eau
Il pleut sur mon corps comme il pleut sur la ville . Ou sur ma campagne ingrate. Il pleut de l’eau chaude. L’eau qui lave , purifie et donne envie d’ouvrir grand la bouche. L’eau fumante qui coule le long des cheveux , le long des bras , des jambes. L’eau qui serpente finement et qui perle sur la peau. Très vite , les parois de la douche s’embuent , impossible de voir ce qui se passe hors de ma prison de verre. Je suis coincée ici , pour mon plus grand plaisir. Alors je tourne sur moi-même et les gouttes se suicident contre les vitres , s’échappent de mes cheveux pour s’écraser ailleurs, se diviser et vivre autre chose. Autre chose qu’une longue descente sur ma peau . Autre chose qu’une fin programmable dans les tuyaux. Je laisse les gouttelettes a leurs parcours, elles en verront d’autres , des rêveuses. Et puis discuter avec elles ne me passionne pas particulièrement aujourd’hui. Je laisse le pommeau distribuer l’eau de plus en plus chaud. L’onde qui embrasse mes cils , mes joues , mes lèvres. L’onde qui les contourne , qui les épouse et qui les aime , le temps de se prêter au jeu de la gravité terrestre. L’eau qui scelle mes paupières , elle les alourdie, je ne peux plus ouvrir les yeux…
Un bruit attire mon attention . Je me frotte rapidement les paupières pour chasser les gouttes. Et ce que je vois m’étonne : une de mes chaussettes se tortille sur le carrelage. Depuis quand se déplace-t-elle sans sa jumelle ? Il y a de l’émancipation dans l’air… Ma culotte de collégienne se pâme près de la corbeille à linge , elle joue les papillons nouveaux. Petit manège qui ne trompe personne, mon pantalon tape de la jambe impatiemment, c’est lui l’aîné dans cette affaire, il veut du silence , de la concentration. Mon soutient gorge , à défaut de s’immoler pour quelconque révolution, escalade le lavabo et s’accroche timidement au robinet. Mais je t’en prie, épouse le donc, marie toi avec lui, je crois que seule ma mère s’opposera à votre union qu’elle qualifiera de « bordel incommensurable ». J’en ai assez , j’ai subitement trop chaud, l’eau à 45degrés me déplait, mon bien-être s’évapore. Je sors précipitamment en bousculant tout mes pauvres habits qui croyaient sans doute s’amuser aujourd’hui. J’agrippe mon fidèle peignoir et enfourne tout les tissus dans la corbeille, quelques secondes avant l’arrivée réprobatrice maternelle. Après tout , on lave notre linge sale en famille…