mercredi, février 01, 2006

The poetry of softnesses

Cours d’allemand et néons a pleins tubes , je tente de m’endormir sur ma table lorsqu’une petite main me gratouille le bras . Je lève la tête d’un air grognon et voit Laura qui me tend une feuille avec un sourire au coin des lèvres . Encouragée par sa bonne humeur , j’agrippe le morceau de papier et entreprend de le lire : « Je vais acheter du Volvic fraise , tu viens avec moi ? ». Je ris . Elle a une écriture enfantine , ses lettres bouclent un peu partout et elle écrit de travers . Mon exclamation la fait se retourner et elle prends mon sourire comme un oui .
Me voilà donc partie pour marcher dans la ville polluée sous le crachin Strasbourgeois pour acheter du Volvic fraise avec une rêveuse. En descendant et montant les escaliers , elle me raconte la saveur délicate d’une eau aromatisée à la fraise, l’apparence si trompeuse avec de l’eau normale accroit le plaisir et la surprise d’un gout fruité . Mon pantalon collé aux jambes et le vent en pleine figure , je ne demande qu’à la croire . Je l’observe du coin de l’œil : rousse aux cheveux mi longs, elle a un visage rond et pâle , des yeux semblables a des billes lui donnant des fois un air méchant alors qu’elle rêve à d’autres mondes . Petite mais fine , son long manteau noir voltige derrière elle et le vent fouette sa chevelure , mordant son cou si blanc . Combien de temps avant qu’elle ne frissonne, combien de temps avant qu’elle ne réalise le temps qu’il fait , combien de temps jusqu'à ce qu’elle cesse de voir des bouteilles de Volvic fraise coulant a flot ? Elle va nous tomber malade, elle ne pourra plus me raconter comment elle imagine des danseuses dans les arbres , ni comment elle a pu finir son point de croix au coin du feu. Laura. Au magasin, elle fonce sur deux grandes bouteilles translucides et se hâte de payer. Je lui en porte une : une fille si nuageuse ne peut pas être alourdie par son plaisir mis en bouteille. Sur le chemin du retour, elle me fait une confidence : elle va me montrer un lieu magique. Je ne demande qu’à voir. Sentir me corrige-t-elle.
Dans la rue, elle me tire sur la manche pour que j’accélère, elle ralentit, bifurque et s’arrête net. Nous sommes devant une boulangerie qui semble diffuser des ondes colorées. Elle pousse la porte et un souffle à l’odeur de pain chaud m’enveloppe. Je ferme les yeux et les nuits passées sur les toits en Tunisie me reviennent en mémoire. Quand je les rouvre, Laura me détaille. Elle fait partie des gens qui savent respecter le silence rêveur. Elle perçoit le feu follet qui émane d’une personne qui part dans un autre monde. Puis son attention est attirée par les petites douceurs exposées : pains au chocolat, beignet, mousses, tartelettes, brioches, baguettes et autres inventions divines. La tête légèrement penchée sur le coté, ses cheveux épousent la lumière du fond et lui forment une auréole sur la tête. L’aura.
« Tu prendrais quoi si tu avais de la monnaie ? » . Tiens , elle a noté que je n’ai jamais un sous en poche … J’ai bien un centime dans ma chaussure gauche ( lubie d’un autre tombé du ciel de ma classe) mais il est sensé me porter bonheur. Je lui confie que je prendrais un pain au chocolat et voilà qu’elle me le prend qu’elle en commande un. Je me promet de revenir avec elle à l’improviste pour lui offrir moi aussi quelque chose de son choix. Elle prend un beignet et nous quittons l’antre de chaleur pour affronter la pluie sournoise. Nous arrivons sur le pont lorsqu’une question me taraude : Comment s’appelle la boulangerie que nous venons de quitter ?
L’aura me répond : La poésie des douceurs .